Asiatiques de France

 

 

Vietnamiens, Cambodgiens, Laotiens, Chinois… De la France coloniale à nos jours, Asiatiques de France traverse un siècle d’histoire d’une communauté discrète, hétérogène et fascinante, qui compte aujourd’hui près d’un million de personnes.

 Que sait-on vraiment des Asiatiques de France ? Leur histoire riche et émouvante traverse celle des deux conflits mondiaux, celle de l’Indochine française et de son indépendance, puis celle des guerres et des indépendances des Républiques populaires d’Asie. De la génération des réfugiés politiques à celle de leurs enfants, la communauté asiatique de France a augmenté de près de 40 % dans les dernières décennies. Longtemps qualifiée d’invisible, cette diaspora hétérogène aspire désormais à compter dans le débat public. C’est leurs histoires et leurs parcours que nous racontent les témoins ou leurs descendants des différentes vagues d’immigration. De l’historien d’origine vietnamienne Pierre Brocheux au styliste japonais Kenzo Takada, en passant par le sociologue chinois Live Yu-sion ou la ministre déléguée chargée des PME, de l’Innovation et de l’Economie numérique, Fleur Pellerin, ils témoignent de ce passé commun. Simples citoyens ou personnalités du monde de la culture, de l’art, des sphères associatives ou politiques, ils nous font découvrir le contexte encore méconnu de l’immigration asiatique en France du début du XXe siècle jusqu’à aujourd’hui.

 

 

Entretien avec Laurence Jourdan*, auteure-réalisatrice

Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous pencher sur le destin de la communauté asiatique de France ? 
Laurence Jourdan : Depuis toujours, je suis très sensible à ce qui touche à l’Asie en général, à son histoire, à sa culture, à ses arts. J’ai déjà réalisé d’autres documentaires sur ce continent, dont Les Oubliées de la piste Hô Chi Minh, pour France 5. Après Musulmans de France et Noirs de France, Asiatiques de France est le troisième volet de la collection produite par Jean Labib. Quand il m’a proposé de me confier ce projet, j’ai immédiatement pris la mesure de l’ampleur de la tâche. De la chance aussi qui m’était donnée de raconter une histoire aussi riche et singulière.

Quels ont été vos partis pris pour construire ces deux films ?
L. J. : La construction chronologique, qui est le principe retenu par la série, permet de témoigner de l’évolution et de la façon dont, au fil des décennies, des gens issus de différents pays d’Asie ont noué et tissé leur histoire propre avec la France. Mon parti pris était de la faire raconter par ses propres acteurs ou par leurs descendants, Asiatiques installés en France comme Français d’origine asiatique. J’ai veillé bien sûr à ce qu’ils soient de pays d’origine, de générations et de secteurs d’activité différents.

 

Quelles découvertes avez-vous faites en travaillant sur ce projet ? 
L. J. :  J’ai d’abord découvert une communauté extrêmement solidaire. Animée par un grand sens du collectif, elle a su mettre en place des pratiques d’entraide qui, malgré l’obstacle linguistique, ont contribué à l’intégration et à la réussite de ses membres. Au cours de mes recherches iconographiques et filmiques, j’ai été surprise de constater que les sources d’archives étaient, à partir des années 1950, moins nombreuses que celles qui concernent d’autres diasporas, mais également, qu’à partir des années 1980, elles se concentrent principalement sur la région parisienne.

Quel avenir voyez-vous se dessiner pour les nouvelles générations ?

L. J. : Si, pour les premières générations d’arrivants, la discrétion, voire l’invisibilité, étaient de mise, les jeunes d’aujourd’hui ont envie de s’impliquer dans toutes les sphères de la société. Ils ont envie de prendre leur place dans la vie politique, médiatique, culturelle et économique. Même s’ils demeurent très attachés à la culture de leur pays d’origine, ils veulent être reconnus comme les citoyens français à part entière qu’ils sont.

Propos recueillis par Christine Guillemeau


* Laurence Jourdan a réalisé de nombreux documentaires pour France Télévisions et Arte, parmi lesquels : Le Génocide arménien (sélection Festival de Pessac, 2005) ; L’Europe des fronts populaires ; Le Viol, crime de guerre en Bosnie (sélection Fipa, 2006) ou encore Les Oubliées de la piste Hô Chi Minh (prix spécial du jury Figra, 2005.)

 

Les deux épisodes


Première partie : 1911-1975
 Vietnamiens, Cambodgiens, Laotiens mais aussi Chinois constituent les plus grandes diasporas de la communauté asiatique de France. Au début du XXe siècle, la France est une destination privilégiée pour les commerçants, mais aussi pour les intellectuels et les artistes venus étudier la culture occidentale. La Première Guerre mondiale, puis la Seconde marquent toutefois les premières grandes vagues d’arrivées de la majorité des ex-Indochinois et de Chinois, venus contribuer à l’effort de guerre français. Dans l’entre-deux guerres, Paris, capitale mondiale d’Art et de Culture, attire également toute une génération d’artistes. Les plus grands noms de l’art japonais comme Foujita et Kuroda côtoient alors Modigliani, Picasso ou Cocteau tandis que la France de la Révolution et des Lumières inspire une partie de la jeunesse étudiante chinoise et indochinoise dont un certain Zhou Enlai, futur Premier ministre de la République populaire de Chine, ou encore Hô Chi Minh, futur président du Vietnam.


Seconde partie : 1975-2013
 La prise de Saigon par l’armée populaire vietnamienne en 1975 marque le début de l’instauration des démocraties populaires au Vietnam, au Cambodge et au Laos. Des dizaines de milliers d’hommes et de femmes fuient leur pays. Le drame des boat people mobilise l’opinion publique mondiale. Le gouvernement français s’engage à accueillir les réfugiés politiques de son ancienne colonie. Cet exil représente une vague d’immigration sans précédent, dont provient la majorité des ressortissants asiatiques de France aujourd’hui. Ils donneront naissance au premier Chinatown français, dans le XIIIe arrondissement de Paris. De la génération des réfugiés politiques à celle de leurs enfants, en passant par la vague d’immigrants issus de la politique d’ouverture et de libéralisation économique mise en place dans les années 1990 par les gouvernements des pays d’Asie, la communauté asiatique de France s’est particulièrement développée ces dernières décennies. Contrairement à l’intégration discrète de leurs parents, les nouvelles générations, qui dirigent des entreprises, gonflent les rangs des étudiants et contribuent activement à l’essor économique de leur pays d’origine, revendiquent désormais leur appartenance à la société française et aspirent à faire entendre leur voix.

 


Parmi les intervenants

1. Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des PME, de l'Innovation et à l’Economie numérique ; 2. Frédéric Chau, comédien ; 3. Hsueh Sheng Wang, P.-D.G. d’Eurasia Groupe Immobilier ; 4. Huong Tan, cofondateur du Conseil national des Asiatiques de France ; 5. Kenzo Takada, styliste ;  6. Live Yu-sion, sociologue ; 7. Olivier Wang, avocat ;  8. Pierre Brocheux, historien ; 9. Dominique Rolland, ethnologue ; Lâm Duc Hiên, photographe ; Gilberte Tsaï, metteur en scène ; Stéphane Ly Cuong, metteur en scène…

 

 

From : rue 89

http://www.france5.fr/et-vous/France-5-et-vous/Les-programmes/LE-MAG-N-39-2013/articles/p-18979-Asiatiques-de-France.htm
 

 

 

Documentaires France 5 : Asiatiques de France

Tag(s) : #Politique Intérieure - Extérieure, #Société
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