Près de 3 Millions de pèlerins se dirigent vers le Vatican pour participer à un happening planétaire de la foi.
Un pape émérite et un pape en fonction (qui célèbreront la messe ensemble), 1 000 évêques et 6 000 prêtres, 24 chefs d'État ou têtes couronnées, 93 délégations officielles, plus de 800 000 pèlerins, 2 milliards de téléspectateurs dans le monde : l'Église catholique vivra dimanche un happening planétaire de la foi.

 

À 24 heures de la double canonisation de Jean XXIII et Jean-Paul II, la ville éternelle présente un double visage. Les quartiers résidentiels sont étrangement déserts car, profitant du 25 avril, jour férié commémoratif de la libération, la grande majorité des Romains a fui la capitale pour profiter du pont. "Avec les cortèges officiels, on ne pourra pas circuler et, pour assister à la canonisation, il faudrait arriver place Saint-Pierre à 4 heures du matin, déclarait vendredi matin Andrea en prenant le volant. Non merci, je pars à la campagne."

 

  En revanche, le centre de la ville, les sept églises que tout catholique se doit de visiter lors d'un pèlerinage à Rome et les abords de la cité du Vatican sont envahis d'une foule joyeuse et pacifique. Toutes les langues et toutes les races sont présentes. Les plus jeunes portent souvent un sac à dos à l'enseigne d'une JMJ : Rio, Toronto, Manille ou Paris. Ce sont les "papa's boy", globe-trotteurs d'un catholicisme juvénile, festif et décomplexé. Beaucoup de personnes plus âgées sont venues en voyage organisé par leur paroisse. Elles arborent un drapeau de leur pays, parfois un foulard jaune et blanc, les couleurs du Vatican, autour du cou. Place Saint-Pierre, religieuses et laïcs assis sur le sol chantent autour d'un Espagnol barbu qui joue de la guitare.

 

Quatre millions de... bouteilles d'eau

La machine de l'organisation fonctionne déjà à plein régime : 4 millions de bouteilles d'eau, 16 postes de secours, 77 ambulances, 980 toilettes chimiques, 2 630 volontaires. 17 écrans géants ont été installés pour permettre aux centaines de milliers de fidèles qui ne pourront pas accéder à la place Saint-Pierre - elle ne peut accueillir "que" 180 000 personnes - de participer à la cérémonie de dimanche. 4 400 policiers et carabiniers veilleront sur la sécurité des fidèles et des délégations officielles. Ce déploiement de force coûtera 10 millions d'euros à la municipalité, alors que le Saint-Siège ne déboursera que 500 000 euros... largement couverts par les nombreuses sponsorisations. La polémique est balayée par le Vatican qui appelle les pèlerins à faire preuve de "sobriété et de recueillement".

Une sobriété oubliée par les marchands du Temple. Un sosie slovaque de Jean-Paul II se fait payer 20 euros pour un "selfie" à ses côtés. Les services des fraudes ont constaté des augmentations de 200 % pour le prix d'une chambre, de 300 % pour une boisson. Les magasins de bibelots religieux qui pullulent dans le Borgo, le quartier populaire aux abords du Vatican, offrent des crucifix à 2 700 euros, des statues en plâtre de Karol Wojtyla à... 8 000 euros. C'est ce qu'il en coûte pour avoir un saint grandeur nature à la maison.

 

 

Au VIIe siècle, de retour de Rome, un moine breton prit ses quartiers dans un petit village de l’Allier. Ce Ménulphe, rebaptisé « Menou » lors de ses pérégrinations, y mourut, après avoir marqué les esprits par ses vertus et ses dons de guérison. Quatorze siècles plus tard, on se presse encore en l'église romane de Saint-Menoux, pour y admirrer le débredinoire, le tombeau du pieux pélerin percé d’un trou par lequel les « bredins » (simples d’esprit en dialecte bourbonnais) sont censés se débarasser de leur folie. Quoi de commun entre cet homme nimbé de légende et Jean Paul II, le pape le plus médiatique de l’histoire de l‘Eglise catholique, dont la canonisation est prévue le 27 avril à Rome ?
Tous deux ont été désignés comme des intermédiaires entre les fidèles et Dieu, afin que les prières des premiers soient exaucées par le secon deux, à des niveaux férents. Tous deux sont des produits de la « fabrique des saints », une entreprise théologique et ecclésiale devenue à différentes époques clairement politique, que le christianisme a mise en place dès ses origines. A travers les âges, l’Eglise catholique va même se distinguer des autres confessions chrétiennes et multiplier ces figures de dévotion. Il s’agit de donner aux croyants des témoins, qui, « en versant leur sang ou par l’exercice héroïque des vertus », ainsi que le précisent les textes romains, constituent de beaux exemples de foi.

« L’exemplarité du saint doit s’appuyer sur une vie évangélique, précise Philippe Lécrivain, historien et jésuite. Il faut que les gens voient en lui les gestes et les paroles de Jésus,  “un autre Christ”, comme il sera dit de François d’Assise au XIIIe siècle. Le “miracle”, souvent une guérison, est alors perçu comme le signe de l’énergie divine, une manière de donner une profondeur théologique à l’exemplarité. »

 

Eglise catholique : un pas de plus vers la canonisation de Jean-Paul II
Jean-Paul II pourrait être canonisé d’ici la fin de l’année. La Congrégation pour la cause des Saints lui a en effet attribué un second miracle. Il s’agit de la guérison inexplicable d’une femme le 1er mai 2011, au soir de la béatification du pape polonais. Sa sanctification est plébiscitée par les fidèles depuis ses obsèques en 2005.

 

LE CULTE DES MARTYRS

Dès le IIIe siècle commence le culte des martyrs, ces chrétiens pourchassés par le pouvoir romain. Il est prolongé par la vénération des reliques (ossements, cheveux du saint), qui donnent « une dimension corporelle à cette puissance surnaturelle », selon l’historien André Vauchez, spécialiste de la sainteté au Moyen Age. « Ces chrétiens sont vénérés car ils ont choisi d’être témoins du Christ jusqu’à la mort. Pour autant, il ne s’agit pas pour l’Eglise d’exalter le suicide », précise-t-il. L’instauration du christianisme dans l’Empire romain remplace les martyrs par une nouvelle catégorie de saints : les « confesseurs », ces érudits qui défendent la foi contre les hérésies et consolident la doctrine. On y retrouve les « pères de l’Eglise », des fondateurs — et fondatrices — d’ordres religieux, des missionnaires, des évangélisateurs.

Tout au long du Moyen Age, la machine s’emballe. Des « vies de saints » circulent, qui relatent, entre légende et chronique, l’existence pieuse et les gestes nobles de croyants exemplaires. Des saints locaux et contemporains, patrons protecteurs des communautés chrétiennes, fleurissent dans tous les diocèses : quelques femmes, peu de laïques, mais une majorité d’hommes religieux, ermites, moines ou évêques. Il est vrai que, jusqu’au XIe siècle, la procédure est simple : « l’acclamation » populaire, la vox populi, suffit. Appuyée par l’accomplissement d’un « miracle », compris par le peuple comme la manifestation de la sainteté. L’évêque du lieu procède alors à une « élévation », en inhumant les restes de l’élu dans une chapelle, sous un autel ou dans un mausolée.

 

Mais cette fabrique anarchique de saints, non exempte de supercheries, va être reprise en main par l’Eglise. L’évolution coïncide avec une centralisation de la papauté à Rome, à partir du XIIe siècle. Alors qu’en Orient, après le schisme de 1054, la sainteté continue d’être reconnue par un collège d’évêques, l’Eglise de Rome instaure, en 1234, les procédures de canonisation réservant au pape le droit de dire qui peut être vénéré. Conçues comme une première étape vers la canonisation, les béatifications, qui produisent des « bienheureux », vont néanmoins se poursuivre à l’échelle locale.

 

ÉVANGÉLISER LES HÉSITANTS

Après la Réforme, les protestants rejettent le culte des saints pour « n’adorer que Dieu ». Pendant quelques décennies, l’Eglise catholique hésite. Puis réutilise à plein cet outil qui permet à la fois de glorifier les croyants et l’Eglise, et d’évangéliser les hésitants. Une « congrégation des rites », ancêtre de la congrégation actuelle de la cause des saints, est créée au XVIe siècle et, « en 1634, Urbain VIII fixe de façon claire et détaillée les critères et la procédure de canonisation et de béatification », rappelle Olivier Bobineau dans son ouvrage L’Empire des papes (CNRS Editions). Des années d’enquête, un miracle reconnu pour la béatification, suivi d’un second pour accéder à la canonisation, rien ne semble laissé au hasard.

La reprise en main par Rome va de pair avec un renforcement du poids des ordres religieux et des lobbies organisés pour le choix des « causes » à défendre. Elle débouche surtout sur le summum de l’autoglorification de l’Eglise : la sainteté de la figure papale. « Après 1870 et la fin des Etats pontificaux, le pape, perdant son pouvoir temporel, se réfugie dans la puissance spirituelle, explique André Vauchez. Il accentue son rôle central, instaure l’infaillibilité papale et ouvre la voie aux canonisations quasi systématiques des papes, incarnations de l’Eglise elle-même. »

 

« Que l’Eglise catholique exalte quasiment tous ceux qui l’ont dirigée depuis cent cinquante ans constitue une forme d’autojustification de la papauté, soulignait l’historien Etienne Fouilloux dans nos colonnes, lors de la béatification de Jean Paul II en 2011. Ces processus servent à solidifier l’institution, à montrer qu’elle tient le coup malgré les critiques. Sur les dix derniers papes, seuls trois, Léon XIII, Benoît XV et Pie XI, demeurent étrangers à ce concours de glorification. » A quoi M. Vauchez ajoute : « Ce n’est pas un jugement rationnel qui détermine si un pape est saint ou pas. Même controversés, même s’ils ne sont pas de saints hommes, les papes occupent par nature un siège saint ! »

 

LA « DÉCANONISATION » N’EST PAS CHOSE AISÉE

Un effort critique a pourtant été tenté au XVIIe siècle avec la création de la Société des bollandistes, un groupe de jésuites censé se livrer à des contre-enquêtes sur la vie des saints. « Il leur revient de dénicher les faux saints construits par idéologie », explique le Père Lécrivain. Mais la « décanonisation » n’est pas chose aisée ! « Après Vatican II seront retirés du culte des saints les enfants dont on disait qu’ils avaient été tués par des juifs lors de rituels. Une révision qui suscita de fortes résistances, notamment en Autriche ! », raconte M. Vauchez.

Nombre de dossiers restent par ailleurs encalminés, faute de soutien ou de « miracles » suffisants, ou du fait d’une trop grande sensibilité politique. Ainsi la possible canonisation de Pie XII, critiqué pour son attitude envers les juifs durant la seconde guerre mondiale, continue de susciter des réserves malgré la signature, en 2009, par Benoît XVI, du décret reconnaissant les « vertus héroïques » de ce pape controversé. Il arrive aussi qu’un procès en béatification soit brutalement interrompu. En 2009, Benoît XVI annula in extremis la cérémonie prévue pour béatifier Léon Dehon (1843-1925), auteur d’écrits antisémites.

Au-delà du sort spécifique réservé aux papes, la politique de canonisation adoptée par l’Eglise a connu de notables évolutions depuis le pontificat de Jean Paul II (1978-2005). Outre le fait que sous ses vingt-sept ans de pontificat il y ait plus de béatifications et de canonisations qu’au cours des quatre derniers siècles, grâce notamment à un allégement des procédures et à une moindre importance accordée aux miracles, la dimension géopolitique et stratégique de ces célébrations s’est accentuée. « Jean Paul II a procédé à 482 canonisations et à 1 341 béatifications, en multipliant les canonisations de masse : martyrs de Corée, de Chine, du Vietnam, d’Espagne », rapporte Patrick Michel, directeur de recherche au CNRS, spécialiste des relations entre politique et religion. « Personne ne vénérait l’un de ses saints en particulier, souligne le chercheur. Mais il faut voir dans cette démarche un vecteur de la “nouvelle évangélisation” voulue par le Vatican, un réaffichage de l’universalité de l’Eglise, la volonté de sortir d’une martyrologie européenne, même si beaucoup de saints sont des missionnaires européens. »

 

NATURE GÉOPOLITIQUE

Pour le chercheur, la nature géopolitique de la fabrique du saint est évidente. « Une canonisation affiche toujours une certaine idée de l’Eglise, observe Patrick Michel. Prenons l’exemple de cette sainte lituanienne décrétée lors de l’indépendance de ce pays : une manière de ramener la Lituanie dans le giron de l’Eglise après la période communiste. » Le Vatican s’en défend, pour qui une canonisation ou une béatification est une affaire interne à l’Eglise et se veut tout aussi ahistorique qu’apolitique. Ainsi, alors que la canonisation de plusieurs centaines de religieux tués par les républicains durant la guerre civile espagnole a suscité une polémique en 2013, l’Eglise a mis en avant le fait qu’ils avaient été éliminés « pour leur foi ».

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Béatification et canonisation dans l'Église catholique

 Les canonisations en cinq questions
 À l'origine, les saints étaient proclamés par la dévotion populaire. Jusqu'au XIe siècle, la volonté d'un seul évêque suffisait. Au XVIIIe siècle, la procédure des canonisations est définitivement fixée. En 1983, Jean-Paul II simplifie la procédure avec la Constitution apostolique Divinus perfectionis Magister

L'enquête diocésaine est ouverte par l'évêque du lieu où est mort le serviteur de Dieu, cinq ans au moins après sa mort. Ce délai peut être exceptionnellement raccourci. L'évêque recueille le dossier constitué par le prêtre postulateur. Il fait procéder à l'examen des écrits par deux théologiens et à une audition des témoins oculaires. Cette étape dure au moins deux ans ; puis le dossier est envoyé à la Congrégation des causes des saints, à Rome.

L'enquête romaine commence avec le rapporteur qui élabore la positio : ce dossier de toutes les pièces du procès est soumis aux théologiens, historiens et experts qui se réunissent sous la présidence d'un promoteur de la foi (jadis appelé « avocat du diable »). Il est examiné par les cardinaux et évêques membres de la Congrégation. À ce stade, les délais peuvent être longs (douze ans d'attente en moyenne actuellement).

Le jugement de la Congrégation est formalisé par le décret sur l'héroïcité des vertus. Le pape peut alors déclarer le serviteur de Dieu « vénérable » ; il sera « bienheureux » dès lors qu'un miracle aura été officiellement reconnu.

Pour qu'un bienheureux soit canonisé, il faut ensuite qu'intervienne un nouveau miracle, établi dans les mêmes conditions que le premier. La décision finale revient, là encore, au pape.

La procédure peut prendre plusieurs dizaines d'années, voire plusieurs siècles comme ce fut le cas pour Jeanne d'Arc (morte en 1431, canonisée en 1920). On a souvent dit que Jean-Paul II, qui a procédé à 1338 béatifications et 482 canonisations, canonisait beaucoup plus rapidement que ses prédécesseurs. Mais au Moyen Âge, l'Église a connu des canonisations très rapides : Thomas Becket l'a été en trois ans, et Antoine de Padoue en un an.

 

Le pape François va canoniser ce dimanche, lors d'une même cérémonie, deux anciens souverains pontifes : Jean XXIII et Jean-Paul II. Les deux hommes - déjà béatifiés - vont obtenir le statut de saints, au terme d'un processus long et complexe. Explications.

"Santo Subito !" Nous sommes le 2 avril 2005, sur la place Saint-Pierre de Rome. Jean-Paul II n'est décédé que depuis quelques heures que les fidèles massés près du Vatican réclament déjà la canonisation de l'ex-souverain pontife.

Dimanche 27 avril, soit à peine plus de neuf ans après cette disparition, le pape François s'apprête à répondre à la requête des milliers de catholiques qui, à Rome et dans le monde entier, ont émis le souhait de voir Karol Wojtyla devenir saint. Au cours d'une cérémonie publique qui se déroulera au Vatican, le pape argentin canonisera également un autre de ses prédécesseurs, le pape Jean XXIII.

 

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D'abord la béatification, puis la canonisation
Dans l'Eglise catholique, seul le pape a le pouvoir de canoniser une personne dont la vie et les actes lui ouvrent les portes de la sainteté. Un sacre qui se fait en deux étapes, la personne devant auparavant être béatifiée.

La décision pontificale n'intervient qu'au bout d'un processus long et complexe, et qui débute dans le diocèse où le candidat est décédé. Un groupe de fidèles - appelé Acto Causae - s'adresse à un prêtre - un postulateur - pour qu'il dépose une demande auprès de l'évêque de ce diocèse.

Ce dernier, après avoir analysé les pièces du dossier - écrits, preuves de miracles - va formuler, environ deux ans après, une requête officielle auprès de la Congrégation des causes des saints, qui se tient au Vatican. Si la Congrégation juge que le candidat mérite d'être canonisé, elle donne son accord - la nulla ostra - et commence l'évaluation des preuves : c'est le contrôle de la légitimité, une étape qui peut durer une douzaine d'années.

Pas de miracle, pas de saint
Précision importante : il n'y a ni béatification, ni canonisation sans miracle. C'est pourquoi un groupe de médecins et de théologiens se penchent sur des actes prétendument miraculeux, pour les évaluer.

Si un miracle est avéré et que la vie du candidat est jugé vertueuse, le pape autorise un décret de béatification, et la date de la cérémonie est fixée. Pour Jean-Paul II, elle a eu lieu le 1er mai 2011, alors que Jean XXIII avait été béatifié par le pape polonais le 3 septembre 2000.

Ensuite, si un second miracle est avéré, une cause en sanctification est ouverte, qui mène à la canonisation. Au total, l'ensemble de la procédure peut prendre des années, voire des siècles comme ce fut le cas pour Jeanne d'Arc, brûlée vive en 1431 et canonisée en 1920.

 

 

Les canonisations de Jean XXIII et de Jean-Paul II n’ont pas échappé à ce processus
Pourquoi des saints ?

Tout en considérant que Dieu seul est saint, l’Église catholique a toujours voulu proposer aux fidèles des modèles de vie chrétienne. En les canonisant, c’est-à-dire en proclamant solennellement qu’ils ont « pratiqué héroïquement les vertus et vécu dans la fidélité à la grâce de Dieu », elle reconnaît ainsi « la puissance de l’Esprit de sainteté qui est en elle et elle soutient l’espérance des fidèles en les leur donnant comme modèles et intercesseurs », relève le Catéchisme de l’Église catholique (§ 828).

En fait, dès le IIe siècle, les martyrs ont fait l’objet d’un culte spontané, souvent sur leur lieu de sépulture et à la date anniversaire de leur mort. Cette canonisation par vox populi a rapidement été placée sous le contrôle des évêques, avant de devenir, au Ve siècle, le privilège de l’archevêque entouré de son synode provincial.

Du Xe au XIIe siècle, la reconnaissance des saints est peu à peu réservée au pape et, en 1215, le concile du ­Latran interdit toute canonisation sans autorisation pontificale. Au même moment, la procédure probatoire se généralise dans les procès en canonisation. En 1588, ils sont confiés à la Sacrée Congrégation des rites, de laquelle Paul VI détachera, en 1969, la Congrégation des causes des saints.

 

Quelle est la différence entre saint et bienheureux ?

Au Moyen Âge, la distinction entre saints et bienheureux permettait de différencier ceux dont le culte avait été reconnu par le Saint-Siège de ceux dont le culte n’avait été reconnu qu’au niveau diocésain. Avec la généralisation de la procédure romaine, à partir du XVIIe siècle, le bienheureux désigne celui dont le culte est reconnu pour un groupe déterminé de fidèles, tandis que le saint voit le sien étendu à toute l’Église.

En outre, à l’inverse de la béatification, la canonisation engage l’infaillibilité pontificale. Toutefois, comme le relève, le P. Dominique Le Tourneau, celle-ci ne porte que « sur la certitude que le saint canonisé jouit vraiment de la vision de Dieu au ciel, non sur la réalité des miracles » (1).

 

Comment l’Église reconnaît-elle des saints ?

La béatification intervient au terme d’une procédure extrêmement formelle, établie en grande partie au XVIIe siècle, au cours de laquelle la vie du futur bienheureux est soumise à un examen complet. Pour être béatifié, un « serviteur de Dieu » doit en effet avoir été tué en « haine de la foi » (martyre) ou avoir porté à un haut degré l’exercice des vertus chrétiennes (héroïcité des vertus).

L’examen de la cause commence dans le diocèse où est mort le futur bienheureux : l’évêque demande au postulateur de la cause de lui présenter une biographie complète du serviteur de Dieu, ainsi que l’ensemble de ses écrits. Ceux-ci sont examinés par des théologiens qui déterminent s’ils ne contiennent rien de contraire à la foi ou aux mœurs, tandis que le promoteur de la foi interroge les témoins. Si, au terme de cette enquête, l’évêque conclut au martyre ou à l’héroïcité des vertus, la cause est alors transmise à la Congrégation romaine des causes des saints pour un nouvel examen.

À Rome, sur la base de l’enquête diocésaine, un rapporteur établit alors un dossier (positio) sur le martyre ou l’héroïcité des vertus du futur bienheureux. Celui-ci est soumis successivement à des historiens, puis une commission de théologiens et, enfin, aux cardinaux et évêques de la Congrégation qui se prononcent, in fine, sur le martyre ou l’héroïcité des vertus. Un décret est alors soumis à l’approbation du pape.

En cas de reconnaissance du martyre, la béatification est alors acquise. En cas de reconnaissance des vertus héroïques, un miracle obtenu à l’intercession de celui qui est alors désigné comme « vénérable » est nécessaire. La reconnaissance du miracle intervient après une procédure semblable à celle de l’héroïcité des vertus : une enquête diocésaine suivie d’un procès romain, au cours desquels des experts médicaux (en cas de guérison) ou scientifiques sont appelés. Après la reconnaissance de ce miracle, la béatification peut alors être célébrée, généralement, depuis Benoît XVI, dans le diocèse où est mort le bienheureux.

Pour devenir saint, et voir son culte étendu à toute l’Église et non plus à un groupe déterminé de fidèles, le bienheureux – qu’il soit martyr ou non – doit voir reconnaître un autre miracle dû à son intercession. Il peut alors être canonisé. Toutefois, le pape peut décider de se passer de ce miracle, notamment dans le cas de personnages considérés comme saints par une grande partie des fidèles et dont la renommée de nombreux miracles est acquise. Ce fut ainsi le cas, en 1931, pour saint Albert le Grand, en 2012 pour sainte Hildegarde de Bingen ou, tout récemment, pour saint Pierre Favre, cofondateur des jésuites . On parle alors de « canonisation équipollente » qui ne donne pas lieu à une célébration en tant que telle. Dans le cas de Jean XXIII, la Congrégation des causes des saints et le pape François n’ont pas pris en compte un miracle précis, mais les nombreux témoignages de grâces obtenus par son intercession.

 

Pourquoi canoniser des papes ?

Dans l’histoire, 82 papes ont été canonisés et neuf béatifiés. Mais, sur ces 91 papes élevés sur les autels, on n’en trouve que 16 au ­deuxième millénaire, alors que tous les papes jusqu’en 352 sont saints (et martyrs pour la plupart).

Pour le deuxième millénaire, on observe également une recrudescence des béatifications et canonisations des papes depuis la fin du XIXe siècle, période qui correspond à la fin de la puissance temporelle de la papauté et à la réaffirmation de leur rôle spirituel. Ainsi Pie X (1903-1914) a été canonisé en 1954, tandis que Pie IX (1846-1868) a été béatifié en 2000, en même temps que Jean XXIII.

D’autres causes papales sont en cours : celle de Pie XII (1939-1958) a été ouverte en 1965 et ses vertus héroïques reconnues en 2009 (en même temps que celles de Jean-Paul II). On attend désormais la reconnaissance d’un miracle attribué à son intercession.

En ce qui concerne Paul VI (1963-1978), dont l’héroïcité des vertus a été reconnue en 2012, l’examen d’un tel miracle serait en cours à Rome. Une cause a également été introduite pour Jean-Paul Ier (1978) et les deux causes de Benoît XIII (1724-1730) et Pie VII (1800-1823) sont pendantes.

 

Pourquoi canoniser ensemble Jean XXIII et Jean-Paul II ?

En 2000, Jean-Paul II avait déjà voulu béatifier en même temps Pie IX et Jean XXIII. « Deux papes ayant vécu dans des contextes historiques très différents, mais liés, au-delà des apparences, par de nombreuses ressemblances sur le plan humain et spirituel », argumentait le pape polonais qui soulignait ainsi combien le concile Vatican II – convoqué par Jean XXIII – s’inscrivait dans la continuité de Vatican I, convoqué par Pie IX mais inachevé. Certains avaient aussi pu lire la béatification de Pie IX, considéré comme « réactionnaire », comme la volonté d’un rééquilibrage aux côtés de la figure « ouverte » de Jean XXIII.

De la même manière, on peut lire la volonté de canoniser ensemble Jean XXIII et Jean-Paul II comme celle de mettre aux côtés de la « superstar » Jean-Paul II le « bon pape Jean », figure très aimée et vénérée par les Italiens. Mais, en élevant sur les autels celui qui a convoqué le dernier concile et celui qui aura eu à cœur de le mettre en œuvre pendant les vingt-cinq ans de son pontificat, il s’agit aussi de « canoniser » Vatican II.

D’autres motivations ont aussi pu conduire le pape François à rapprocher Jean XXIII et Jean-Paul II. « Un pasteur, l’ancien archevêque de Buenos Aires, canonise deux autres pasteurs : l’ancien patriarche de Venise et l’ancien archevêque de Cracovie », résume le journaliste Bernard Lecomte, pour qui, outre la dimension conciliaire, c’est aussi la figure pastorale des deux nouveaux saints que le pape veut ainsi mettre avant.

 

 

Les miracles des deux futurs saints
Pour devenir saint, il faut donc avoir réalisé deux miracles : un pour être béatifié, et un second pour être canonisé.

Dans le cas de Jean-Paul II, les deux miracles qui vont lui permettre d'être canonisés dimanche ont eu lieu après sa disparition :

•Le premier, c'est la guérison de la nuit du 2 au 3 juin 2011 de la Soeur Marie Simon-Pierre, âgée de 44 ans, brusquement guérie de la maladie de Parkinson.
•Le second date de la même année : victime d'un anévrisme cérébrale, la Costaricienne Floribeth Mora avait été guérie alors qu'elle suivait la cérémonie de béatification de Jean-Paul II à la télévision.
Quand au pape Jean XXIII, un seul miracle aura permis sa béatification et sa canonisation, comme le rappelle le Point : la guérison d'une religieuse italienne, Soeur Caterina Capitani, de la congrégation des Filles de la charité. Donnée pour morte après une opération en vue de l'ablation d'une tumeur à l'estomac, la femme avait survécu après avoir adressé ses prières au souverain pontife.

De plus en plus de canonisations
L'événement que constitue cette double canonisation permet de préciser que les proclamations de sainteté sont en hausse constante : lors des trente dernières années, la Congrégations a produit plus de saints que durant les trois siècles précédents : 500 depuis 1978, contre 302 entre 1574 et 1978.

Avec 482 canonisations entre 1978 et 2005, Jean-Paul II s'affirme même comme un champion de la catégorie, lui qui avait simplifié en 1983 une procédure inchangée depuis six siècles avec la constitution Divinus perfectionis Magister, qui simplifiait la canonisation et a permis de donner un nouvel élan au culte des saints.

 

 

 

 

From : le Point , le Monde (Stéphanie Le Bars , Nicolas Senèze ),la Croix,......

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tag(s) : #Spiritualités - Religions
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